4 juin 2025 eric

La franchise industrielle : un modèle sous-utilisé qui pourrait rebooster notre industrie

SOMMAIRE

Bien moins connue que la franchise de distribution, la franchise industrielle est un modèle d’affaires qui permet de dupliquer un modèle industriel éprouvé, tout en minimisant les risques et les investissements.

Dans une économie « glocale » faisant la part belle à la transformation digitale et à la vitesse, où l’innovation et la productivité garantissent la survie des entreprises, il faut pouvoir combiner les avantages de la production locale avec ceux d’une marque, d’un savoir-faire et d’une logistique plus globaux. Et dans le contexte d’une nécessaire réindustrialisation du territoire français, la franchise industrielle présente de vrais atouts.

Pourtant et bien qu’ayant fait ses preuves dans de nombreux pays, cette dernière reste méconnue et sous-employée en France. Alors pourquoi en sommes-nous encore là ? Et comment parvenir à changer la donne ?

C’est ce que se propose d’aborder notre article, en vous proposant également quelques recommandations pratiques.

Bonne lecture,

L’équipe Axe Réseaux

Fidèle à sa réputation, Axe Réseaux aide le dirigeant de tout concept prometteur à développer sa franchise.

I/ Les fondements de la franchise industrielle

1.1/ Définir la franchise industrielle

La franchise industrielle ou franchise de production repose sur le transfert de savoir-faire et de licences de fabrication. « Contrairement à une franchise de services ou de distribution, où l’accent est mis sur la vente et le marketing, ce modèle permet au franchisé de produire les biens selon des normes précises, sous la supervision du franchiseur », précise Laurent Delafontaine.

On cite souvent Coca-Cola comme un exemple en la matière. Dans le monde entier, le géant d’Atlanta a noué des contrats avec une myriade d’entreprises chargées de produire le mythique breuvage, qui respectent à la lettre ses procédés de fabrication. Parmi les autres exemples de réussite, on peut aussi citer Théodore Lefevre (peintures), Yoplait (alimentaire) et Yprema (bâtiment).

Repères historiques

Si le concept de franchise industrielle puise ses racines dans la révolution industrielle du 19e siècle, c’est au 20e siècle qu’il prend véritablement son essor :

  • Années 1900 : les constructeurs automobiles comme Ford et General Motors commencent à utiliser des modèles similaires à la franchise industrielle pour leur production ;
  • Années 1950 : Coca-Cola perfectionne son modèle de franchise industrielle, permettant une expansion mondiale rapide ;
  • Années 1970-1980 : le modèle se répand dans d’autres industries, notamment l’électronique et l’agroalimentaire ;
  • Années 2000 à aujourd’hui : la mondialisation s’accélérant, le modèle continue d’évoluer en intégrant de nouvelles technologies, de nouveaux processus et de nouveaux enjeux productifs et logistiques.

1.2/ Différences avec la franchise de distribution

La franchise industrielle se distingue des autres formes de franchise par sa complexité et sa dimension technique. Si en franchise de distribution les franchisés achètent et revendent des produits finis, ici les franchisés sont directement impliqués dans la fabrication.

Un modèle qui implique non seulement la transmission au franchisé d’une marque et d’un savoir-faire commercial, mais également la mise à sa disposition de l’ensemble des moyens nécessaires à une production calibrée : procédés de fabrication, spécifications techniques, formation du personnel et souvent même les plans d’aménagement de l’unité de production.

Ce qui entraîne un contrôle accru sur la chaîne de valeur, et une plus grande responsabilité en matière de production et de logistique.

1.3/ Cadre juridique et règlementaire

Pour notre expert, la formule est très exigeante. « En plus du cadre juridique connu aux franchises (loi Doubin / code de commerce, code civil, règlement d’exemption européen…), le franchiseur industriel doit se conformer à des réglementations strictes et propres au secteur concerné et au lieu d’implantation, qu’il s’agisse de brevets, de transfert de propriété industrielle, de normes de qualité ou d’hygiène », assure-t-il.

Ainsi, les contrats de franchise industrielle seront particulièrement vigilants à la protection des brevets, les licences et autres secrets de fabrication du franchiseur.

Retrouvez plus d’informations sur les différentes formules existantes de franchise

II/ Les avantages de la franchise industrielle

Si la formule reste méconnue, elle offre des avantages substantiels à ses parties prenantes :

Pour le franchiseur

Pour le franchisé

 Pour l’économie

• Expansion rapide : possibilité de pénétrer rapidement de nouveaux marchés et d’augmenter sensiblement sa capacité de production, sans mobilisation excessive de capital ;


• Proximité renforcée : en s’appuyant sur des partenaires présents au plus près des bassins de clientèle ;


• Préservation du savoir-faire : grâce à des contrats bien rédigés et suffisamment protecteurs ; 


• Réduction des risques financiers : les coûts d'installation, d'exploitation et de logistique sont principalement supportés par les franchisés, et les achats peuvent être mutualisés ;


• Revenus réguliers : Redevances et ventes de matières premières ou d'équipements aux franchisés ;


• Focus sur l'innovation : Le franchiseur peut se concentrer sur la R&D et l'amélioration des processus, tandis que les franchisés gèrent le quotidien.

• Notoriété : utilisation d'une marque reconnue et d'un modèle d'affaires éprouvé ;


• Savoir-faire : accès à un ensemble de recettes et de procédés éprouvés ;


• Support technique : formation, assistance continue, qualité / maintenance, gestion, et accès aux dernières innovations du franchiseur ;


• Économies d'échelle : bénéfice d’achats groupés et de l'optimisation des processus à l'échelle du réseau ;


• Territoire garanti : bénéfice d’une exclusivité territoriale sur la zone d’implantation convenue, pour la production et la distribution.

• Création d'emplois industriels qualifiés et pérennes : tout en permettant le maintien et le développement de compétences techniques locales ;


• Diffusion de l'innovation : en partageant des bonnes pratiques industrielles sur le territoire concerné ;



• Renfort de la résilience du tissu industriel : en créant des réseaux d'entreprises interconnectées mais autonomes, capables de faire émerger des nouveaux modèles pour le marché tout en maintenant des standards de qualité élevés.

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III/ Les freins à une meilleure adoption de la franchise industrielle

La FFF recenserait seulement entre 1 et 2% de franchises industrielles, parmi la totalité des réseaux. Une timidité due à certains freins.

3.1/ Des coûts d’entrée élevés

La franchise industrielle exige tout d’abord des investissements initiaux conséquents. Les franchisés doivent acquérir des machines, construire des installations de production et se conformer aux normes de qualité. Cela peut dissuader de nombreux candidats potentiels, surtout s’ils ne disposent pas de fonds suffisants ou de garanties financières.

« Songez à un partenaire de Coca-Cola. Il doit acquérir des machines sophistiquées et produire les boissons selon un cahier des charges ultrastrict. Il est clair qu’un tel projet n’est pas à la portée de toutes les bourses, ou du salarié en reconversion que l’on rencontre habituellement en franchise de distribution. Il s’agira davantage d’un entrepreneur chevronné, dont le profil et les moyens le rapprochent du master franchisé. Sachant aussi que le contexte actuel limite encore un peu le financement bancaire des projets industriels », argumente le fondateur d’Axe Réseaux.

3.2/ Une gestion plus technique et complexe

La gestion d’une franchise industrielle est sensiblement plus complexe que celle d’une franchise de services ou de distribution. Les franchisés doivent non seulement gérer les stocks, mais aussi la logistique, la maintenance des équipements et la conformité aux standards techniques. Ce qui implique une expertise technique plutôt rare chez les candidats à la franchise.

« On constate que les réseaux de distribution et commerciaux centralisent leur production dans des laboratoires ou des ateliers. Là, c’est la mécanique inverse : c’est l’excellence productive que l’on vient chercher chez vous, et les barrières à son acquisition sont autrement plus importantes » prévient Laurent.

Il convient de rappeler que le transfert de savoir-faire industriel nécessite une documentation exhaustive des processus, une formation approfondie des équipes et une standardisation poussée des méthodes de production. L’effort associé à cette standardisation et à la mise en place d’un contrôle qualité approprié peut être significatif.

3.3/ Une prise de risque financière conséquente pour les franchisés

Au-delà d’acquérir l’appareil productif, la franchise industrielle comporte des risques importants, notamment des pannes d’équipements, des délais de livraison ou des fluctuations du prix des matières premières et de l’énergie …

Bien qu’ils varient selon le territoire, ces risques doivent être gérés par les franchisés sans compromettre la qualité des produits ou la satisfaction des clients. Surtout que le franchiseur industriel est souvent une marque de premier plan.

3.4/ Un ingénierie juridique conséquente

La protection de la propriété intellectuelle est déterminante dans la franchise industrielle. Des clauses contractuelles doivent protéger avec précision les secrets de fabrication, les modèles, les innovations techniques et le savoir-faire du franchiseur, tout en donnant au franchisé les moyens de sa mission.

La répartition des responsabilités entre franchiseur et franchisé doit être soigneusement encadrée, notamment en matière de qualité des produits, de sécurité industrielle et de respect des normes environnementales.

3.5/ Des résistances culturelles et organisationnelles

Enfin, la transition vers un modèle de franchise industrielle peut se heurter à des résistances culturelles et organisationnelles :

  • Culture d’entreprise : certaines entreprises, notamment des ETI et PME industrielles à forte culture familiale, peuvent redouter de déléguer le contrôle de leur production à des franchisés ;
  • Mentalités de filière : certains secteurs peuvent être rétifs à l’adoption de nouveaux modèles d’affaires – par exemple le luxe, pour des raisons d’image ;
  • Rigidité organisationnelle : les grandes entreprises ont une structure organisationnelle plus rigide et elles s’accommoderont moins facilement d’un modèle en franchise ;
  • Craintes réputationnelles : de nombreux industriels craindront de diluer leur expertise technique et d’engager leur réputation, surtout si leur entreprise existe depuis des décennies, voire des siècles … « N’oublions pas que dans l’imaginaire collectif, la franchise reste synonyme d’une standardisation excessive. Elle est potentiellement contradictoire avec l’excellence technique à la française », rappelle le membre du collège des experts de la FFF.

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IV/ Opportunités et perspectives d’évolution de la formule

4.1/ Besoin de proximité et de décarbonation

Dans un contexte où les chaînes d’approvisionnement mondiales ont pu être perturbées (comme avec la pandémie de Covid-19), les entreprises recherchent des solutions locales et flexibles pour produire rapidement et répondre aux besoins de proximité. En offrant une capacité de production décentralisée, la franchise industrielle pourrait répondre à ce besoin.

Par ailleurs, les consommateurs et les gouvernements exercent une pression croissante pour que les entreprises réduisent leur empreinte carbone. En favorisant la production locale au sein d’un cadre de franchise industrielle, les entreprises contribueraient aussi à la décarbonisation des chaînes d’approvisionnement.

4.2/ De nouvelles technologies comme levier

L’industrie 4.0 promet une convergence du monde virtuel, de la conception numérique, de la gestion (opérations, finance et marketing) avec les produits et objets du monde physique. Son émergence, avec ses outils de supervision à distance, de maintenance prédictive et d’optimisation des processus, facilite le contrôle qualité et le support technique de la production.

Ainsi, des franchisés peuvent accéder à des modèles industriels à moindre coût marginal, et adopter des processus de production plus efficaces et moins coûteux à maintenir.

4.3/ L’évolution du cadre réglementaire et les incitations financières

Paradoxalement avec la désindustrialisation qu’elle connaît, la France crée régulièrement des dispositifs pour booster son activité industrielle. Ainsi, il existe de nombreuses subventions et aides, comme le Crédit Impôt Innovation (CII) ou le Programme d’appui à l’innovation industrielle (PA2I), ou encore l’appel à projet Industrie du Futur 2024-2025.

Des incitatifs financiers qui visent à moderniser l’infrastructure industrielle et à soutenir l’innovation, et qui peuvent aussi réduire les barrières financières et motiver certaines entreprises à envisager la franchise industrielle pour mailler le territoire national.

Enfin, des dispositifs pourraient être imaginés spécifiquement pour la franchise industrielle, incluant des garanties de financement et des aides à l’investissement, voire un fonds d’investissement spécialisé.

4.4/ Envisager la franchise industrielle pour aiguillonner des secteurs émergents

Sur le papier, plusieurs secteurs émergents offrent un potentiel pour développer des franchises industrielles :

  • Énergies renouvelables : production décentralisée de panneaux solaires ou d’éoliennes ;
  • Biotechnologies : fabrication locale de produits pharmaceutiques ou de tests médicaux ;
  • Impression 3D : franchises de production d’objets personnalisés à la demande ;
  • Agriculture urbaine : fermes verticales franchisées dans les zones urbaines ;
  • Recyclage et économie circulaire : franchises de transformation de déchets en nouveaux produits …

V/ Nos recommandations pour avancer 

5.1/ Pour l’industriel franchiseur

01 – Commencer par un audit : faites analyser en profondeur votre savoir-faire et votre organisation, car vos processus doivent être standardisés et vos méthodes documentées, avant d’envisager aller plus loin ;

02 – Développer un système de support solide : proposez une formation complète et prévoyez un soutien continu pour les franchisés, par une équipe disposant de compétences techniques mais aussi pédagogiques ;

03 – Équilibrer contrôle et autonomie : trouvez le juste milieu entre maintenir vos standards de production et laisser quand même une certaine flexibilité à vos partenaires ;

04 – Investir dans la technologie et favoriser l’innovation : utilisez des outils à la pointe pour optimiser la production, digitaliser votre communication et laissez vos franchisés proposer des améliorations et des adaptations locales ;

05 – Maîtriser la croissance : privilégiez une expansion prudente et durable, plutôt qu’une croissance rapide qui vous exposera à davantage de risques, notamment financiers et réputationnels.

5.2/ Pour les franchisés industriels

06 – Due diligence approfondie : même s’ils « ont la surface », ils doivent s’assurer de bien comprendre votre modèle économique et ses implications financières avant de s’engager ;

07 – Évaluation des compétences : ils doivent posséder les compétences techniques nécessaires ou être prêts à les acquérir dans le cadre de la formation initiale ;

08 – Planification financière : ils doivent disposer d’un capital suffisant pour couvrir les coûts d’acquisition du concept et d’installation, ainsi qu’un fonds de roulement plus conséquent qu’en franchise de distribution ou de services ;

09 – Engagement à long terme : ils doivent considérer la franchise industrielle comme un investissement de long terme, ce que reflètera la durée de votre contrat ;

10 – Communication ouverte : ils doivent maintenir constamment un dialogue direct avec vous.

5.3/ Pour les acteurs de l’écosystème

11 – Fluidité administrative : les pouvoirs publics doivent simplifier les démarches et encourager l’accès au dispositif par des incitatifs ;

12 – Promotion : le ministère de l’Industrie devrait promouvoir le modèle par des campagnes de communication ciblant notre tissu d’ETI et de PME ;

13 – Espaces dédiés : des zones pourraient être réservées, avec des infrastructures et des services mutualisés, pour faciliter le processus d’implantation de nouveaux franchisés industriels ;

14 – Cross-fertilisation : des réseaux d’échange pourraient être créés pour partager les success stories, les meilleures pratiques et ainsi stimuler l’innovation et susciter des vocations ;

15 – Animation sectorielle : des formations pourraient être développées, en partenariat avec les écoles d’ingénieurs et de management, et une meilleure représentation de la franchise industrielle devrait être assurée auprès des organisations professionnelles industrielles.

Conclusion

Bien que peu attractive à cause de sa complexité et d’un manque de sensibilisation à son sujet, la franchise industrielle offre de belles opportunités d’entrepreneuriat et comporte de vrais atouts pour les acteurs industriels en termes de standardisation, d’innovation et d’économies d’échelle.

Nous espérons que cet article vous aura sensibilisé à ce modèle et vous donnera l’envie de contribuer à son décollage dans l’hexagone. Car une mobilisation collective des acteurs publics et privés, associée à une modernisation des pratiques et des outils, permettrait à la France de rattraper son retard et de faire de la franchise industrielle un véritable levier de croissance et d’innovation.