Fiche 6 – Planifier le financement d’un réseau de franchise à croissance rapide
Phase 1 – Base théorique et contexte
- Fiche 1 – Quelques vérités sur le rythme de croissance d’un réseau
- Fiche 2 – Le cadre conceptuel de la Franchise de Haute Croissance
- Fiche 3 – Pourquoi viser la croissance rapide est devenu indispensable en franchise ?
Phase 2 – Vous préparer
- Fiche 4 – Facteurs clés de réussite et de création de valeur en réseau
- Fiche 5 – Réunir certains prérequis
- Fiche 6 – Planifier le financement d’un réseau de franchise à croissance rapide
- Fiche 7 – Commercialiser votre concept “end-to-end”
Phase 3 – Implémenter et piloter
- Fiche 8 – Architecture système scalable
- Fiche 9 – Recrutement industrialisable

On dit que dans le modèle de la franchise, la dynamique du développement doit générer elle-même les ressources nécessaires à l’expansion du réseau. Mais encore faut-il parvenir à enclencher ce mouvement d’ « auto-alimentation vertueuse ».
Or pour structurer son offre, sourcer ses premiers candidats et déployer ses premières unités, le franchiseur fait face à des besoins en ressources qui conditionnent son avenir. A fortiori si elle suit une trajectoire véloce, une franchise a besoin d’une organisation rigoureuse de son temps, de ses termes contractuels et bien sûr de ses flux de trésorerie.
Dans ce nouvel article de notre série sur les franchises de haute croissance, nous revenons sur la manière de planifier, structurer et piloter le financement de votre réseau.
Bonne lecture,
Julien Siouffi
Fidèle à sa réputation, Axe Réseaux aide le dirigeant de tout concept prometteur à développer sa franchise.
I. Financer par la maîtrise du temps et du processus
1.1. Segmenter précisément la chaîne de valeur franchiseur
La maîtrise du temps apparaît comme l’une des clés. « En découpant la relation au franchisé en différents segments de temps, avec le qui fait quoi et de quelle manière, vous contrôlez le déroulé de chaque opération et par la force des choses, le financement qui lui est nécessaire », avance Julien Siouffi.
Trois grandes phases structurent alors le cycle d’acquisition d’un nouveau franchisé :
- Phase précontractuelle : « au préalable, si vous avez bien automatisé vos process, notamment dans la génération des leads, vous savez combien de temps est nécessaire pour obtenir un R1, puis un R2, puis amener votre candidat en immersion, et enfin parvenir à signer un CRZ. Cela vous donne une visibilité sur votre temps d’encaissement », poursuit-il ;
- Phase contractuelle et préparatoire : elle comprend la signature du contrat de franchise, le versement du solde des droits d’entrée (l’acompte ayant accompagné le CRZ) et le déblocage des fonds pour financer le package d’ouverture ;
- Phase d’intégration et d’ouverture : enfin, elle couvre la réalisation des travaux de préparation, la communication de pré-ouverture, et le sprint j-60. Cela vous procure une visibilité sur la perception du package post-ouverture (royalties, services divers, centrale…), donc la maîtrise de vos premiers jours de CA avec chaque franchisé.
Cette segmentation chronologique permet non seulement de mieux planifier l’effort opérationnel, mais surtout de caler les flux d’encaissement et de décaissement sur des jalons contractuels. « Elle transforme le processus de recrutement et d’ouverture en un mécanisme quasi-industriel, où chaque étape génère ses propres ressources et sa rentabilité propre. », ajoute notre expert.
1.2. Rythmer le développement : la cadence crée la trésorerie
Dans une logique de croissance rapide, le rythme crée la ressource et la maîtrise de ces interactions dans le temps vous donne la main sur votre financement.
Concrètement, chaque nouveau franchisé finance une part du développement du réseau, et la perception des acomptes de réservation de zone permet de financer la suite. « Je citerai le cas emblématique de Palo Mano, qui a signé 15 contrats de réservation de zone en quelques mois, à concurrence de 10 000 € l’unité. Soit 150 000 € de cash générés qui serviront à réaliser les services précontractuels des suivants. Et ainsi de suite. », étaye Julien.
Tout repose donc sur une mécanique commerciale bien huilée, où chaque étape est calibrée dans le temps et convertie en flux financier : plus le processus est reproductible, plus la trésorerie devient prévisible. A ce stade où le processing devient important, vous devez créer des standards de conversion et adopter des indicateurs de pilotage (durée moyenne entre chaque étape, taux de transformation, niveau moyen d’acompte, délais de perception…).
1.3. Prévoir une marge de sécurité … sans non plus surinvestir
Si en matière de ressources une marge de sécurité est nécessaire pour absorber les aléas du démarrage, la frugalité doit rester un maître-mot. « À mon sens un développeur opérationnel, un CRM efficace et de bon process clés suffisent à enclencher le cycle. Le but n’est pas de construire une tour de contrôle dès les premiers vols, mais une piste solide pour faire décoller vos premiers franchisés », illustre notre directeur.
Et quid si le modèle ne prenait pas ?
Il faut savoir renoncer sans drame. S’il n’y a pas de traction, ce n’est pas non plus une catastrophe industrielle, car vous avez limité votre mise de fonds. « A l’instar du start-upper, la logique de « test and learn » s’applique aussi au franchiseur ! Et mieux vaut pivoter voire suspendre un projet mal engagé que de vous entêter … à perte ».
II. Construire une structure financière pertinente et agile
2.1. Distinguer clairement vos entités juridiques
Il est fréquent que des franchiseurs logent l’activité en réseau dans leur holding principale. Mais c’est stratégiquement risqué.
La tête de réseau doit plutôt reposer sur une entité dédiée, créée pour porter les contrats, les flux et la responsabilité juridique de la franchise. Et s’agissant de la forme juridique, optez plutôt pour une SAS car en France, elle est moins réglementée que peut l’être par exemple la SARL.
« Cette structure, que l’on pourrait qualifier de « véhicule agile », n’a pas vocation à porter d’actifs majeurs. Son principal actif est la licence de marque intragroupe, dûment enregistrée à l’INPI, et ses principaux engagements sont les contrats signés avec les franchisés. » précise le membre du collège des experts de la FFF.
2.2. Penser comme un master franchisé sans avoir besoin de détenir de pilote
Si l’environnement réglementaire vous demande de disposer d’un modèle probant, à aucun moment il vous impose d’avoir vous-même expérimenté le concept.
« La loi exige que le modèle soit probant, c’est-à-dire opérationnellement réplicable. Mais cela ne va pas nécessairement jusqu’à détenir des pilotes qui alourdissent votre structure financière. La nuance est essentielle car elle ouvre la voie à un développement rapide même en l’absence de succursale ou d’expérimentation directe. », recadre Julien Siouffi.
On retrouve d’ailleurs cette approche dans l’export de concepts. Il est très courant que le master franchisé d’une enseigne étrangère s’implantant en France ne fasse l’économie de monter un pilote. Cela lui permet d’économiser deux ou trois ans pour aller plus vite, garder l’effet de surprise et ainsi conserver son avance sur la concurrence.
2.3. Organiser la transférabilité et l’agilité juridique
Une tête de réseau bien structurée est un actif valorisable. Mais elle ne doit pas devenir un carcan, alors vous devez anticiper sa mutation dès la conception et opter pour une architecture souple.
« Celle-ci doit vous permettre de faire évoluer vos structures, scinder des activités, filialiser une partie, voire regrouper plusieurs entités sous une holding. Vous devez aussi pouvoir transférer des contrats d’une structure à une autre (certes selon certaines conditions juridiques) sans encombre », rappelle notre expert.
III. Mobiliser les bons leviers financiers selon votre stade
3.1. L’autofinancement comme modèle par défaut
La force de la franchise, c’est sa nature « asset light ». Le franchiseur ne porte pas les murs, ni les stocks (nous ne parlons pas de la commission-affiliation), ni les charges de fonctionnement des unités. Il déploie un concept, vend des droits d’exploitation et accompagne. Des conditions propices à un autofinancement rapide.
Dès les premiers CRZ signés, vous encaissez des acomptes qui financent les étapes suivantes (accompagnement, animation réseau, recherche de nouveaux profils…) et vous entrez dans un cercle vertueux, où finalement la vente finance la vente.
3.2. Le financement externe en appoint
Il existe cependant des cas où un apport extérieur est utile : développement logiciel, déploiement d’un outil de pilotage, recrutement de talents clés, ouverture d’un marché à l’étranger.
« BPI France, les régions ou certains dispositifs sectoriels peuvent vous aider à cofinancer ces étapes. Mais cela reste des supplétifs opportuns, pas des piliers structurels. Un franchiseur qui ne peut avancer sans aides est un franchiseur vulnérable ! ».
3.3. Onboarder des investisseurs pour changer d’échelle
A la différence du succursalisme, la franchise est un modèle économe en fonds propre. Et contrairement à une idée répandue, lever des fonds n’est pas indispensable pour déployer votre réseau et mailler un territoire comme la France.
Toutefois un fonds reconnu pourra vous apporter une véritable bouffée d’air si d’aventure vous souhaitez :
- Accélérer en sachant que vous bénéficiez d’une traction de marché forte ;
- Réaliser des acquisitions stratégiques (des concurrents mais également des acteurs présentant de fortes synergies) ;
- Financer le développement d’un nouveau logiciel ou d’une infrastructure de production (par exemple Boulangerie Feuillette et son atelier centralisé de production) ;
- Recruter des talents clés, structurer votre équipe voire industrialiser vos fonctions support pour accompagner un changement d’échelle.
« C’est un levier ponctuel, à activer au bon moment mais jamais pour boucher un trou de trésorerie. Et surtout, veillez à ne jamais vous diluer trop et prématurément ! », conseille Julien.
IV. Piloter la performance économique et la transparence
4.1. Suivre les bons indicateurs du réseau
Un bon franchiseur doit aussi devenir un bon business analyst. Et voici quelques indicateurs qu’il pourra suivre avec profit :
- Coût d’acquisition franchisé : combien vous coûte chaque signature ? Décomposez le coût du lead, le taux de transformation, le coût commercial … ;
- Revenu par franchisé : à la signature du CRZ (acompte), à la signature du contrat (solde du droit d’entrée), puis en cours d’exploitation (paiement des royalties, abonnements et services divers) ;
- Coût de support par franchisé : définition de votre budget d’animation par tête et suivi de son évolution avec la taille du réseau.
Ces données permettront de modéliser puis de suivre la rentabilité de votre réseau.
4.2. Instaurer la transparence comme culture réseau
Bien qu’ils soient vos clients, vos franchisés sont aussi des partenaires entrepreneuriaux. Au-delà du marketing que l’on sert parfois trop facilement aux candidats, ils ont besoin de transparence et vous devez assumer cet exercice pleinement. Il y a les obligations légales comme la facturation électronique, le FEC… mais également l’information et la réassurance précontractuelles.
« Sur ce terrain, j’encourage les franchiseurs à montrer les chiffres de leurs succursales (CA, répartition des charges, seuil de rentabilité), poste par poste et sans états d’âme. Je trouve que l’exercice n’est pas assez décomplexé en France, contrairement à d’autres pays de culture anglo-saxonne. Je vois dans ce pragmatisme une preuve de professionnalisme. », estime Julien.
4.3. Rassurer par la méthode, pas la promesse !
Tenir la promesse d’un retour sur investissement rapide ne repose pas sur une parole, mais sur le dimensionnement et l’orchestration des moyens nécessaires.
Si vous avez les bons outils, la bonne politique d’accompagnement, une tête de réseau structurée et un rythme de déploiement maîtrisé, la rentabilité a les meilleures chances d’être au RDV !
Cela vous intéresse ?
Alors parlons-en, notre équipe est à votre écoute !
Conclusion
Financer une franchise à croissance rapide n’est pas une affaire de capitaux, mais de vision temporelle, d’agilité structurelle et de rigueur dans l’exécution. En maîtrisant les différents temps de la relation franchisé, en structurant judicieusement votre tête de réseau, et en instaurant une culture de la mesure, vous construisez un modèle économe, puissant et durable.
Dans cette logique, le financement devient une conséquence de la performance, et non un préalable angoissant. Le franchiseur de haute croissance n’est pas celui qui s’endette prématurément, mais celui qui orchestre, qui anticipe et qui exécute sans gaspiller. C’est dans cette rigueur que se sécurise la puissance et que se forge la liberté d’accélérer !
Julien Siouffi – propos recueillis par Nicolas Coutel