17 juin 2019 eric

La franchise à l’international : y aller ou pas ?

Planter le drapeau de son enseigne aux Etats-Unis, en Afrique ou en Europe ! Beaucoup de franchiseurs en rêvent. D’après la Fédération française de la franchise, seuls 20 % des réseaux français sont présents à l’étranger. Investissements élevés, préparation insuffisante, difficultés à trouver des partenaires fiables… expliquent cette faible présence internationale. En revanche, quand tous les signaux sont au vert, c’est le jackpot assuré et la promesse d’une belle réussite. Check-list des points à valider avant de vous lancer… ou pas !

1/ Foncez si :

– Vous avez déjà fait vos preuves sur le marché français

C’est un préalable essentiel. Inutile de songer à l’international si le concept n’est ni rodé, ni maitrisé, et qu’il n’a pas rencontré un certain succès dans l’Hexagone  avec plusieurs magasins ou agences. Pour Laurent Delafontaine (Axe Réseaux) : « Il est préférable d’avoir exploité son concept sur plusieurs années, sur plusieurs sites en propres, mais aussi d’avoir mis en place un système de franchise éprouvé en France, avant de penser à l’international. C’est le meilleur moyen d’être rodé avec les problématiques par exemple de logistique ou d’animation qui feront le quotidien du futur franchiseur à  l’international ». Que ce soit Gautier (présent dans 65 pays), Desjoyaux (présent dans 80 pays)  ou Point S (32 pays), tous ont attendu d’être assis sur le marché avant de traverser les océans  et d’aller chercher des relais de croissance à l’export.

– Votre offre a une valeur ajoutée sur le pays visé

Ce n’est pas parce que votre produit ou votre service marche bien en France qu’il connaitra le même succès à des milliers de kilomètres. L’un comme l’autre doivent répondre à un besoin identifié et à une demande. « L’étude de marché préalable est une obligation, avec probablement une modification de la gamme pour la rendre plus adaptée à la demande locale. Il faut aussi s’entourer de fournisseurs locaux si le produit ne vient pas de France ! » détaille Laurent Delafontaine.

– Vous pouvez adapter votre offre aux us locaux

Chaque pays a ses coutumes et ses spécificités géographiques. Il est rare de calquer son offre à l’identique. « En Afrique où nous sommes présent, notamment au Maroc, il y a 54 pays et 54 façons de faire, explique Olivier Mermuys, directeur général de Cavavin depuis 2016. Nous avons du adapter notre offre et tenir compte des disparités culturelles pour notre point de vente de Casablanca ». Point S (environ 3400 points de vente à l’étranger) a également revu sa gamme de produits : l’enseigne a ainsi intégré des pneus cloutables, interdits en France, dans ses points de vente scandinaves et canadiens. Même chose pour Brioche Dorée ! Quand l’enseigne bretonne a attaqué le marché asiatique, elle a « asiatisé » 30 % de ses recettes pour adapter ses produits aux papilles des Chinois et des Coréens.

– Vous avez trouvé le bon partenaire

C’est LA condition indispensable pour réussir. Qu’il s’agisse d’un master franchisé ou d’un investisseur, ces partenaires sont incontournables car ils connaissent parfaitement le marché local et les pratiques commerciales. Pour Laurent Delafontaine « Essayer de se lancer en Chine sans un partenaire sur place est hautement hasardeux et il est bien difficile de savoir lequel choisir. Souvent, le franchiseur fait affaire avec un partenaire déjà franchisé ou un agent d’autres enseignes, ayant déjà fait preuve de leur capacité de réussite ». Olivier Mermuys de Cavavin en est pleinement conscient. «  Pour le Maroc, nous avons conclu un partenariat avec la société d’importation de vins, Ebertec. Notre vision est complémentaire, nous partageons une approche long terme et ils connaissent le marché par coeur ».

2/ Renoncez  si :

– Les barrières à l’entrée sont trop contraignantes

Cout des transports, tarifs douaniers élevés, droit commercial complexe, normes locales, passe droits… Certains pays sont difficiles d’accès. Des problèmes techniques peuvent également entraver un développement international. Il y a quelques années, Carré blanc, spécialiste du linge de maison, a ainsi renoncé au marché nord américain, ou les lits sont tous en taille King Size. Une implantation Outre-Atlantique aurait imposé au réseau de revoir  son outil industriel pour fabriquer des draps ou des housses de couettes en format XL. Trop cher, et trop risqué !

– Vous êtes pressé

A l’étranger, vous repartez d’une feuille blanche, et tout est à construire. En deux fois plus long ! « Le travail préparatoire et administratif est énorme. Il faut à minima un an d’élan » prévient Olivier Mermuys de Cavavin, qui pour l’anecdote confie : « Par exemple, au Maroc, nous avons du obtenir une dérogation du roi pour organiser des dégustations de vins dans le magasin de Casablanca ».

– Le climat politique est risqué

Crise économique, conflits… mieux vaut éviter certains zones géographiques sous tensions. Le risque : la fermeture de magasins à peine ouverts. Desjoyaux, historiquement implanté en Espagne, en Egypte et en Grèce, a subi les aléas politiques et financiers qui ont touché ces pays. Le pisciniste s’est finalement recentré sur des pays plus stables comme l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis. Même retournement pour Carré Blanc, cette fois-ci en Ukraine. Avec la guerre, les affaires se sont tendues et le master franchisé en place a du baisser le rideau d’une dizaine de boutiques.

–  Vous n’avez pas un bon feeling avec vos partenaires

La tentation est forte de sauter sur la première opportunité venue. Mais attention, l’international ne doit pas être une fuite en avant pour faire rentrer du cash mais une stratégie murement réfléchie, avec des partenaires fiables et solides. « Si je sens que le profil du futur partenaire ne correspond pas à mes objectifs, qu’il n’a pas les moyens financiers, qu’il n’a pas une approche long terme, je n’y vais pas.  J’ai ainsi renoncé à des implantations en Pologne et en Hongrie à cause d’investisseurs qui finalement ne collaient pas à ma vision de développement » reconnaît Olivier Mermuys. Car à l’international, encore plus qu’en France, mieux vaut limiter l’échec. Il est en effet bien plus compliqué de gérer un litige à 5000 kilomètres de distance et de régler les problèmes juridiques. « Dès le départ, il faut insister pour prévoir un tribunal de droit français en cas de désaccord et la possibilité de se substituer au partenaire défaillant » conseille Laurent Delafontaine.

Laurent Delafontaine avec V. Froger