3 janvier 2023 eric

Financement participatif et franchise sont-ils faits pour s’entendre ?

SOMMAIRE

Au fil du temps, les sources de financement des acteurs de la franchise se sont diversifiées. Après les fonds propres et la love money, le prêt bancaire, les prêts d’honneur, les crédits solidaires (Adie), les aides et subventions, le leasing ou le crédit-bail, ils peuvent compter depuis 2014 sur le financement participatif.

Plébiscité par les start-ups, les TPE, puis les projets immobiliers, le crowdfunding s’est invité dans le commerce organisé pour combler certaines lacunes du circuit bancaire. Car si ce dernier est devenu frileux sur le robinet du crédit, les franchisés n’en doivent pas mois boucler leur investissement initial, développer leur activité, et les jeunes franchiseurs faire décoller leur concept.

Mais devenu une solution crédible de la filière, est-il pour autant durablement compatible avec la logique particulière des réseaux ?

Nous faisons le point sur ce sujet passionnant et vous répondons.

I/ Quelques points de repère

Définition

Selon Franchise Bank, « Le crowdfunding consiste… à financer votre besoin par ”une foule”, par opposition à un financement qui viendrait d’un ou plusieurs investisseurs (banque, fonds de capital-risque, business angels…). Initialement créé dans le cadre de projets personnels, ce type de solution participative a été aujourd’hui ouverte aux entreprises » ;

Chiffres 2021

  • 1 880 M€ collectés Vs 402 en 2018, et 167 en 2015 ;
  • Près de 170 000 projets financés ;
  • 197 M€ collectés en don, dont 65,2 avec « récompense » ;
  • 1 580 M€ prêtés, dont 1 296 en obligations et 259,7 en prêt rémunéré ;
  • 103,5 M€ de fonds investis.

Davantage de chiffres sont disponibles sur le site Financement Participatif France.

Quelques opérateurs de marché

Si les acteurs du crowdfunding ne manquent pas, on peut citer parmi celles actives sur le marché du commerce organisé indépendant :

  • Lendopolis (qui fut le premier à lancer une offre dédiée en 09.2016)
  • Lita (sous un prisme durable et bio)
  • October (ex-Lendix)
  • Tudigo
  • Wiseed
  • Wesharebonds

Exemples de levées de fonds

  • Alain Afflelou (optique)
  • Attila (entretien de toiture)
  • Casino Proximités (distribution alimentaire)
  • Flora Nova (fleuriste)
  • Gagao (chocolatier)
  • Gamecash (consoles et jeux vidéo)
  • Hoops Factory (loisirs sportifs)
  • La Foir’Fouille (équipement de la maison)
  • Mr Bricolage (bricolage et jardinage)
  • Picto (services photo)
  • Pitaya (cuisine thaï)
  • Prison Island (loisirs)

Sources publiques, réglementaires et fédératives

  • AMF – Dépliant sur la finance participative
  • AMF – Guide du cadre réglementaire du financement participatif
  • CEDEF – Page présentant le financement participatif
  • FFF – Note sur le crowdfunding
  • FINANCEMENT PARTICIPATIF FRANCE – Portail du crowdfunding  
  • LEGIFRANCE – Ordonnance du 30 mai 2014
  • MINECO – Présentation du cadre réglementaire

II/ Les types de financement participatif

On le retrouve sous plus de formes qu’on ne l’imagine :

Catégorie

Principes

1/ Le don pur

(Donation-based crowdfunding)

Forme la plus ancienne, elle est plutôt utilisée pour les projets caritatifs et humanitaires. Les internautes y souscrivent sans attendre de contreparties, et les volumes collectés sont moins significatifs que pour ses autres formes.

2/ Le don contre récompense

(Reward-based crowdfunding)

Système populaire, le don via des plateformes participatives (Ulule, Kisskissbankbank, Kickstarter…) permet à des particuliers de financer un projet associatif, artistique ou industriel sans s’immiscer dans sa gestion. 

Les contreparties prennent la forme de goodies, prévente de produits, bons d’achat magasin ou prestations gratuites.

C’est l’idéal pour amorcer sa communauté de supporters, puis la développer par viralité.

3/ Les royalties

(Royalties-based Crowdfunding)

Des particuliers souscrivent le capital social d’une entreprise, et toucheront pendant la durée de l’opération (généralement 5 ans) une royaltie sur le chiffre d’affaires réalisé.

Un outil commode pour se financer sans se diluer !

4/ Les actions

(Equity-based Crowdfunding)

L’investisseur reçoit des parts sociales (SARL) ou des actions (SAS, SA) en contrepartie d’une participation financière dans les capitaux propres d’une entreprise en création ou en développement. Ces opérations peuvent totaliser jusqu’à 5 M€ d’euros sur 12 mois lorsque le projet est hébergé sur une plateforme reconnue.

5/ Le prêt classique

(Crowdlending)

Il octroie des prêts pour 3 à 7 ans pour des montants allant jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros.

Après vérification de la qualité du concept, le prêt réalisé auprès de l’opérateur complète le manque d’apport en finançant la partie immatérielle, boudée par les banquiers.

Ensuite le souscripteur rembourse le prêt sur la durée prévue, avec un intérêt plus élevé qu’à l’accoutumée, puisque sans prise de garantie ni caution personnelle.

D’un taux moyen de 8%, son montant est plafonné à 2 000 € par personne s’il est rémunéré.

6/ Le prêt obligataire

Des épargnants achètent des obligations auprès du franchisé qui s’engage en contrepartie à verser des redevances à échéances constantes, remboursant le capital investi ainsi que les intérêts.

Les franchisés qui y font appel sont accompagnés par les plateformes dans la rédaction du contrat obligatoire, régissant les modalités de remboursement des sommes investies.

Voir un cas pratique pour Speedy

7/ Le Crowdleasing

Cette formule a été lancée par Fundhero pour financer l’acquisition de matériels. La société demandeuse émet alors un minibon, nouvel instrument financier de la famille des bons de caisse créée en avril 2016.

L’emprunteur s’engage à rembourser le souscripteur (personne physique ou morale) en lui versant des intérêts à minima chaque trimestre.

Vous avez besoin d’y voir clair parmi les différentes formules ?  Demandez-nous !

III/ Focus sur le Crowdlending : principes de fonctionnement

La souscription

Pour boucler son dossier, l’entreprise franchiseuse ou franchisée doit fournir toutes les pièces requises par la plateforme. Ses analystes financiers ont les mêmes critères de sélection qu’une banque, sauf que ces emprunts sont sans caution ni garantie : seule la capacité effective de remboursement de la société entre en compte.

Après validation, une durée de crédit et un taux sont déterminés selon la notation effectuée par le site, une étape souvent sécurisée par des partenariats avec des institutionnels (banques, assureurs), pour garantir un maximum de souscription à l’emprunteur.

En cas d’échec de la campagne (rarement plus de 90 jours), les contributeurs sont remboursés.

La présentation et la communication

Le dossier accepté est présenté aux investisseurs du site. Rappelons qu’une opération de crowdlending n’est pas qu’une simple opération financière, puisqu’elle permet à une enseigne de promouvoir son activité auprès d’une communauté déjà qualifiée ! Ainsi après avoir investi dans une jeune marque, les souscripteurs auront envie qu’elle se pérennise et en parleront autour d’eux. Et les retombées de cette opération de communication profitent également aux franchisés existants.

Le coût et le remboursement

Plus élevé que dans les circuits classiques, le taux peut varier de 3 à 12,5 % annuels. Les particuliers supportant 100 % du risque et une fiscalité de 30%, leur rémunération doit être à la hauteur.

Décrites dans le contrat de prêt, les conditions de remboursement devront être respectées. Soyez vigilant.e.s aux conditions d’anticipation, car il est parfois intéressant de financer tout ou partie de son développement en crowdlending et se donner ensuite quelques mois pour refinancer l’emprunt à des taux bancaires plus raisonnables.

IV/ Points d’accord objectifs entre franchise et financement participatif

Son fonctionnement offre d’indéniables synergies en franchise :

Rassembler un investissement initial

L’investissement initial revient cher en franchise. Droit d’entrée, apport personnel, location ou achat d’un local commercial, stock de départ, travaux… pour financer son projet, le franchisé fait le plus souvent appel aux banques. Si elles ne jouent pas complètement le jeu, l’emprunter pourra heureusement rapidement compléter la somme, car le crowdfunding est rapide et ne requiert aucune garantie personnelle. Une aubaine pour les bons candidats un peu justes ou les salariés de l’enseigne.

Pallier les lacunes du secteur bancaire

Si celui-ci est finance du matériel ou un fonds de commerce, il fuit les actifs immatériels. Or le marketing, la communication, les recrutements et les travaux, impactent de plus en plus l’expérience client. Heureusement que le crowd vient à la rescousse.

Soutenir une activité durant l’exploitation

Rien n’empêche de solliciter une plateforme pour répondre aux besoins survenant en cours d’activité : budget de communication, embauche de personnel, machines ou achat d’une nouvelle unité. Après, attention au taux d’endettement…

Limiter la tentation du soutien abusif

En organisant un circuit de financement supplémentaire pour ses partenaires, un franchiseur est moins tenté d’aller trop loin dans l’octroi de facilités financières, comme il le ferait par solidarité et en méconnaissance des conséquences judiciaires.

Obtenir des tickets cohérents avec les besoins de la filière

Le crowdfunding finance des tickets entre 100 K€ et 1 M€. C’est sur cette fourchette que communiquent certains offreurs comme WeShareBonds. On peut même aller au-delà : ainsi, Tudigo.co communique sur son site sur 2 à 5 mois pour lever jusqu’à 2 M€.

Ne pas laisser filer un bon emplacement

La franchise s’appuyant sur la vitesse, un local implanté à un endroit stratégique doit pouvoir être saisi rapidement. Si les délais bancaires s’allongent actuellement, les plateformes de prêt participatif ne mettent quelques jours à accepter un dossier et les collectes en ligne se finalisent parfois en quelques jours !

Booster la notoriété d’un nouveau concept

En proposant son projet d’investissement chez un opérateur reconnu, non seulement l’entrepreneur réunit ses fonds rapidement, mais il se fait aussi connaître auprès d’une communauté de consommateurs capables de le suivre après coup et de parler de lui à leurs connaissances.

Faire des tests de marché

Un futur franchiseur peut utiliser le don avec contrepartie pour pré-vendre un produit, effectuer des tests sur un marché ou auprès d’une unité pilote.

Fiabiliser son recrutement

En dotant le projet d’implantation d’une communication virale et en y impliquant davantage le franchisé qu’à l’accoutumée, on prévoit une étape et un filtre supplémentaire dans le recrutement du candidat. Challengé par le public sur son projet, il se montrera d’autant plus convaincant !

Et vous, avez-vous identifié les synergies de ce mode de financement avec votre concept ?  Nous pouvons vous éclairer !

V/ Inconvénients, limites rencontrées et points de vigilance à observer

Le crowdfunding reste une solution coûteuse

Les opérateurs se rémunèrent par un taux de prêt plus élevé, couvrant la communication, le coût lié aux obligations ou encore le pourcentage sur le total collecté ;

L’investissement personnel est aussi plus important

Si la mise en ligne du projet donne l’illusion que tout va se dérouler comme par magie, cela implique que son initiateur mouille sa chemise auprès de son réseau. Soit un effort significatif en temps et parfois aussi en argent (achats publicitaires et en social media advertising), sans garantie que la campagne aboutisse.

L’empilement des leviers de financement peut poser question

On entre en réalité dans le monde de l’investissement et les synergies entre différentes natures de financement ne sont pas toujours évidentes. Cela pose aux enseignes des questions pratiques, jusque dans le risque de dilution du capital lorsque le porteur de projet procède en equity. La filière gagnera en maturité sur ces aspects.

VI/ Nos conseils pratiques pour vous lancer

La franchise n’a qu’un historique encore limité avec le crowdfunding, et des questions demeurent :

  • A quel moment conduire sa campagne : une fois l’emplacement sélectionné et le plan de financement bouclé, ou plus en amont ?
  • Comment sélectionner les projets éligibles et accompagner les porteurs de projets ?
  • Comment gérer la confidentialité des informations (précontractuelles notamment), sécuriser les transactions financières, l’assurance ?
  • Le montant du crédit doit-il être incorporé dans le business plan ? Quelle pourrait être la responsabilité du franchiseur en cas de défaillance… ?
  • En equity, quelle part minimum du capital de son entreprise le franchisé doit-il conserver ?
  • Enfin, quels sont les risques qu’un franchiseur prenne une participation indirecte (franchise participative déguisée) ?

VI/ Nos conseils pratiques pour vous lancer

Franchiseurs :

  • Limitez son recours aux seuls postes non couverts par les réseaux bancaires ;
  • Faites votre rétroplanning, car si les plateformes décident vite et la collecte peut être rapide, préparer les pièces de votre dossier peut prendre un peu de temps ;
  • Dans de nombreux cas, privilégiez le lending à l’equity ;
  • En situation de développement, organisez un partenariat avec une ou deux plateformes reconnues du marché, pour offrir à vos candidats une chance supplémentaire de financement, et ainsi gagner en attractivité ;
  • Organisez les retours d’expérience de votre réseau sur le sujet, pour gagner en conviction. Vos candidats apprécieront.

Franchisés :

  • Même remarque que pour le franchiseur, n’usez du « crowd » qu’avec raison et parcimonie 😊 ;
  • Mettez en concurrence trois acteurs, et interrogez des entrepreneurs ayant réussi leur levée auprès d’eux ;
  • Faites relire votre contrat par un avocat spécialisé, comme pour votre contrat de franchise ;
  • Soyez professionnel.le.s dans votre pitch. « Possédez » votre sujet avec le même sérieux que vous ne le feriez devant un banquier, car la finalité reste la même. Préparez des supports de qualité, graphiques et percutants pour emporter la décision ;
  • Soyez au clair sur les bénéfices à vos contributeurs / donateurs / souscripteurs : quelle equity story leur vendez-vous pour les convaincre de vous suivre ?
  • Soyez lucide sur votre capacité à lever votre armée de supporteurs sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Linkedin…) et les plateformes utilisées pour les projets communautaires (Reddit, Github…). Sinon mandatez un freelance pour vous aider dans vos campagnes ;
  • Enfin, évitez les périodes d’été ou de décembre, sauf si votre saisonnalité produit s’en accorde.

Convaincu.e.s de l’intérêt du financement participatif pour développer votre réseau ?  Demandez-nous une étude de faisabilité !

Franchise et financement participatif font donc bon ménage à partir du moment où ils s’inscrivent dans une réflexion construite, qu’ils s’appuient sur une bonne connaissance de l’ensemble des canaux, et que la voie participative est choisie en connaissance des bénéfices à en attendre ! Il reste un accessoire aux canaux classiques, assez coûteux, et ne doit pas exonérer le porteur de projet, fût-il franchiseur ou franchisé, de sa responsabilité naturelle dans la constitution de ses fonds propres.

En franchiseur consciencieux, vous avez à cœur d’accompagner vos futurs franchisés dans tous les aspects de leur projet. L’accompagnement au financement est au cœur de votre proposition de valeur, et vous ne pouvez plus vous contenter d’accords-cadres avec des enseignes bancaires. Le crowdfunding doit donc aussi intégrer comme il se doit votre arsenal !

Nous espérons que cet article vous aura été utile 😊

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