3 juillet 2023 eric

Franchisage et IPO. : ces étonnantes similarités… et tout le reste !

SOMMAIRE

Avant de recruter ses premiers franchisés, le franchiseur réalise un parcours du combattant. Un parcours que j’aimerais mettre en parallèle avec la mise sur le marché d’un produit d’investissement.

Cela va en faire tiquer certains, car rejoindre une franchise est autrement plus engageant qu’acheter une ligne de SICAV ou une action. Et le franchisé est plus un exploitant engagé qu’un simple investisseur, nous sommes d’accord.

Le processus d’introduction en bourse, ou IPO (Initial Public Offering) est à l’heure actuelle l’un des plus exigeants sur le marché des titres financiers. Normal vu le poids des sociétés cotées dans nos économies et les répercussions financières et réputationnelles, de faillites et autres scandales.

Dans cet article, j’aimerais mettre en parallèle ces deux aventures économiques : la mise en franchise et l’introduction en bourse. Elles se ressemblent et se rejoignent plus qu’on ne l’imagine, et je formule l’hypothèse que la seconde pourrait fertiliser la première !

Bonne lecture,

Laurent Delafontaine

Fidèle à sa réputation, Axe Réseaux aide le dirigeant de tout concept prometteur à développer sa franchise.

I/ Le contexte où s’inscrivent franchise et introduction boursière

Les tendances macro et de marché où s’inscrivent franchise et IPO

Compte tenu de l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite, les Français ont plus que jamais envie de développer leur patrimoine et de diversifier leurs revenus.

Beaucoup fuient ou sont contraints de quitter le salariat. Devenus entrepreneurs, ils sont friands de techniques qui permettront à leur business de croître rapidement : or la franchise comme l’introduction en bourse sont d’indiscutables accélérateurs de développement.

L’encadrement légal des deux opérations

La Franchise est encadrée par la Loi Doubin, le code de déontologie européen et l’ensemble des règles de droit commercial et civil s’appliquant à son objet, de même qu’une jurisprudence abondante.

Si les opérations boursières n’échappent pas non plus au droit, elles disposent de toute une branche du droit qui leur est propre : le droit boursier.

La non-observation de ces cadres respectifs est sanctionnable dans les deux cas, même si les conséquences diffèreront selon le type d’infraction commis.

Voir le relevé des sanctions et transactions de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).

La supervision des processus qui en relèvent

Le monde des opérations boursières a son gendarme (l’AMF) et toute entreprise désirant se coter sous nos contrées observera le règlement d’Euronext.

En franchise au contraire, la FFF n’est pas un régulateur et le code de déontologie précité a une portée usagère et non judiciaire. Certes il peut y avoir des conséquences « réputationnelles », mais la régulation professionnelle se fera plutôt via la corporation métier du franchiseur (boulanger, entrepreneur en bâtiment…), lorsqu’elle est organisée.

Retrouver les missions de la FFF

II/ Les objectifs et les effets induits de ces 2 stratégies de développement

L’œil de l’expert : Des objectifs poursuivis proches mais spécifiques

« Le grand défi pour les franchiseurs est de savoir comment accéder aux capitaux lorsqu’ils sont en pleine croissance. La question qu’un franchiseur se posera avant d’envisager son introduction est : quel est mon besoin prévisible en capital ? Et ai-je bien fait le tour des autres options de financement s’offrant à moi ?

L’IPO est motivée par l’accès au capital financier, tandis que le franchisage vise à faire porter une partie du risque et des coûts d’exploitation à des partenaires. Le franchiseur cherche à financer sa croissance hors fonds propres, tandis qu’une entreprise cotée augmente son capital pour financer sa croissance : l’afflux de capital est intra muros alors qu’en franchise, il s’agit au contraire d’un afflux de revenus.

Pour ce faire, le franchiseur va faire signer ses premiers franchisés sur une période définie, tandis que l’émetteur d’une IPO va organiser le placement d’actions nouvellement émises sur un marché de cotation – avec des objectifs de souscription.

Enfin, en apparaissant sur le marché boursier, une entreprise change de nature et devient une société « publique » (à prendre dans le sens anglo-saxon) tandis qu’un franchiseur ne change pas foncièrement, même s’il sera astreint à davantage de transparence. »

Les effets induits de ces stratégies

C’est là où les deux projets se rejoignent le plus. Franchise comme IPO permettent de :

  • Renforcer la notoriété de sa marque : dans les deux cas, on doit beaucoup communiquer ;
  • Renforcer sa réputation et sa crédibilité, même si l’introduction en bourse envoie un signal au marché plus fort qu’une mise en franchise. D’ailleurs il n’est pas rare qu’après une IPO, une entreprise emprunte à de meilleurs taux auprès des banques ;
  • Financer sa croissance sans faire appel aux actionnaires ou aux banques (préservation du taux d’endettement). Au contraire, fournir de la liquidité aux actionnaires existants : ils peuvent profiter de l’opération pour céder une partie de leurs actions de la société ;
  • Développer sa position concurrentielle ;
  • Motiver ses cadres et collaborateurs : ils peuvent devenir franchisé d’un côté ou bénéficier de stock options de l’autre, et dans les deux cas il en découlera une plus grande fierté d’appartenance.

Ces objectifs et ces conséquences vous inspirent ? Vous-mêmes recherchez une stratégie pour croître rapidement sur votre marché ? Discutons-en !

III/ Le modèle financier de ces opérations

Qu’il s’agisse de franchiser ou d’inscrire son entreprise à la cotation, les flux financiers vont s’intensifier.

Quels sont les différents postes de coûts ?

Pour le franchiseur

Pour le franchisé

· Avocat spécialisé en franchise

· Expert-Comptable

· Consultant en franchise

· Architecte

· Droit d’entrée

· Redevances d’exploitation (fixes ou proportionnelles)

· Redevance de communication

· Frais d’aménagement et d’équipement du local

· Marge sur équipement

· Marge sur produits

· Listing sponsor / société boursière

· Avocat spécialisé en droit boursier

· Commissaire aux comptes

· Agence de communication financière

· Prix de souscription ou d’achat de l’action, augmenté de la commission de son courtier (même si avec la concurrence des plateformes, ces prix s’amenuisent)

Pour l’émetteur

Pour le souscripteur

Le coût complet d’une IPO dépend notamment de la taille de l’entreprise et du marché choisi. On peut estimer qu’il représente environ 5 % à 7 % des montants levés – soit entre 500 000 € et 700 000 € pour une levée de 10 millions d’euros de capital boursier.

Il faut y ajouter les honoraires de la société de bourse ayant mis en circulation les titres (entre 30 000 € et 35 000 € par an pour Euronext Growth par exemple) et ceux de l’agence assurant la communication financière de l’entreprise (comptez entre 60 000 € et 150 000 € par an).

Quelles sources de revenus viennent en face ?

Elles sont plus nombreuses en franchise :

Pour le franchiseur

Pour le franchisé

· Droit d’entrée

· Redevances d’exploitation (fixes ou proportionnelles)

· Redevance de communication

· Frais d’aménagement et d’équipement du local

· Marge sur équipement

· Marge sur produits

· Produit de son exploitation sous l’enseigne du franchiseur

· Perception d’un revenu dans le cas d’un schéma salarial

· Prix éventuel de cession du point de vente

· Produit des souscriptions / prix de vente des actions (prix de vente X nombre de titres proposés ou vendus)

· Perception de dividendes

· Prix de revente des titres

Pour l’émetteur

Pour le souscripteur

Des montants de transactions qui diffèrent… du moins au début

Le prix d’émission d’une nouvelle action atteint quelques centaines ou milliers de dollars / euros dans le pire des cas. Et il n’y a que le prix d’achat à régler, plus quelques des frais de courtage.

En revanche, acquérir une franchise implique un apport plus conséquent auprès du franchiseur (voir plus haut), soit un ticket global d’investissement pouvant aller jusqu’au million d’euros pour les secteurs les plus capitalistiques (restauration, hôtellerie…).

Après, le cours d’une action existante peut s’envoler : par exemple, l’action classe A du fonds Berkshire Hathaway (celui de l’illustre Warren Buffet) se négocie actuellement à 510 000 USD ! Vous avez bien lu… De la même manière, la reprise d’une unité succursaliste ou franchisée en bonne santé peut valoir autant voire plus, selon le secteur.

L’œil de l’expert : Y a-t-il un bon moment pour se lancer ?

« Dans les deux cas, il faut attendre d’avoir créé de la valeur et de la rentabilité. Je rappelle par exemple que les IPO les plus rapides dans la tech ont été Groupon (2 ans post-création), Zoom (4 ans) et Snapchat (6 ans).

En franchise, il faut que le concept ait été validé idéalement par deux exercices positifs sur une ou plusieurs zones pilotes. Au final, les durées peuvent s’équivaloir, mais il arrive que des enseignes soient 100% succursalistes pendant des années, avant d’ouvrir leur propre canal en franchise. »

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IV/ Le processus et le déroulé

Selon la taille de la société, un processus d’IPO prend entre 6 et 9 mois. Reprenons sa trame pour y voir d’éventuelles correspondances avec la franchise :

  1. Choix d’une place de marché et d’un souscripteur, à savoirune banque d’investissement qui va intermédier l’opération et placer les titres sur le marché. Elle peut opérer seule ou au sein d’un syndicat de placement composé de plusieurs brokers.
    • En franchise : rien de comparable ;
  2. Conduite des due diligences (audit global) par les conseils de l’entreprise afin d’évaluer les risques affectant cette dernière.
    • En franchise : l’audit de franchisabilité mené par un expert en franchise fait le tour complet du concept et des actifs à franchiser. Il débouche sur un go / no go ;
  3. Soumission de la documentation réglementaire aux autorités de marché, le « prospectus » d’IPO. Ce document normé propose un aperçu complet de la société, de ses performances financières, de ses perspectives de développement et de son environnement concurrentiel ;
  4. Rencontre avec les investisseurs institutionnels potentiels à l’occasion de « roadshows » qui durent en général plusieurs semaines, dans le cadre de la méthode dite de « book building » ;
    • En franchise : rien de comparable. La phase de pilotage puis les premières signatures de franchisés servent à tester la viabilité du modèle ;
  5. Fixation d’un prix et placement des titres sur le marché : la société est désormais cotée en Bourse ;
    • En franchise : rien de comparable. Le franchiseur procède aux premiers recrutements et accompagne ses premiers franchisés ;
  6. Activation possible de mécanismes de stabilisation du cours dans les premiers jours suivant le placement des titres de la part du Souscripteur : (1) « greenshoe option » ou surallocation lui permettant de placer sur le marché davantage d’actions qu’initialement prévu et dans une limite définie a priori ; mais aussi (2) une lock up period empêchant certains actionnaires initiés (employés, investisseurs précoces, etc.) de vendre leurs actions de la société nouvellement cotée dans un délai de plusieurs semaines ou mois suivants l’IPO.
    • En franchise : rien de comparable, car le processus n’est pas d’intérêt « public » mais strictement privé.
  7. En phase de gestion, les sociétés cotées sont tenues à une communication financière rendue publique sur leur site internet, et lors de son AG annuelle entre autres ;
    • En franchise : La transparence est requise, mais sans revêtir un caractère public. La tête de réseau communique principalement à titre précontractuel et lors d’événements internes comme sa convention annuelle. Mais le franchiseur ne rend de comptes à personne sur sa gestion, hormis à ses franchisés sur d’éventuels postes mutualisés tels que la redevance publicitaire.
  8. Enfin, une société cotée peut opérer un retrait de cote pour poursuivre sa croissance avec moins de formalisme.

Besoin de faire le point sur les différentes étapes à suivre pour franchiser votre concept ? Cela tombe bien, Axe Réseaux utilise une méthode éprouvée auprès de centaines d’enseignes. Parlons-en !

V/ Y-a-t-il des « leçons à tirer du processus d’IPO pour le franchisage » ?

La Loi Doubin a ses mérites …

Personne ne remettra en cause l’intérêt de sécuriser l’entrée en relation de franchise. La Loi Doubin est arrivée suite à une période de dérives (les années 1980) et il fallait réglementer avec les nécessités d’alors. Elle a eu un effet très structurant, a permis aux franchiseurs en trois décennies d’accomplir de gros progrès dans leurs pratiques.

Son rôle n’est sans doute pas étranger au décollage de la filière, en nombre de réseaux créés et de franchisés recrutés. J’estime que dans la logique d’une démarche strictement privée (Vs Publique au sens anglo-saxon), elle a pu remplir sa mission. Certains diront que les réglementations de type Franchise Disclosure Documents en vigueur Outre-Atlantique sont meilleures, mais nos cultures d’affaires diffèrent aussi.

Pour autant, les conditions de marché ont évolué, et la franchise est devenu un objet autrement plus significatif en termes de poids économique (PIB) et d’impact entrepreneurial. Notre société est devenue nettement plus consumériste, également.

… même il reste des marges de progrès

Toutes choses égales par ailleurs, je trouve le process d’IPO « modélisant » pour questionner les pratiques du franchisage. Aussi j’aimerais soumettre les pistes suivantes à votre réflexion :

  1. Renforcer l’information précontractuelle, en s’inspirant de certains éléments des prospectus d’IPO, des pratiques dites de l’equity story, mais également des prescriptions proposées par des avocats et autres lanceurs d’alerte ;
  • Instaurer un mécanisme de supervision : on pourrait créer la fonction de « franchising sponsor » (en inspiration directe des listing sponsors agréés par Euronext), ainsi qu’un cadre de formation / certification qui rendrait le concept candidat éligible à un développement en réseau, a minima lorsqu’il s’agit de franchise ;
  • Normer davantage le parcours de franchisage comme l’AMF et Euronext le font en matière boursière, et prévoir en particulier une phase de roadshow auprès de futurs candidats (on peut toutefois considérer que les jeunes réseaux pratiquant le crowdfunding le font) ;
  • Renforcer l’obligation de communication financière du franchiseur vis-à-vis de ses franchisés ;
  • Enfin, renforcer l’arsenal de sanctions pénales à l’encontre des dirigeants indélicats.

L’œil de l’expert : des philosophies différentes

« L’introduction boursière requiert de suivre un processus normé : le parcours est fléché. Vous n’essayez pas de comprendre comment “devenir public”, vos conseils vous y aident selon le protocole consacré. Il vous reste juste à faire le travail. Alors que si franchiser votre concept comporte différentes figures imposées (pilotage, manuel opératoire, contrat, DIP, parcours candidat…), le processus reste beaucoup plus empirique : votre conseil en franchise est davantage un accoucheur en fonction de paramètres propres à votre concept, votre marché et votre culture. Pour l’instant la caution de l’exploitant (mais du coup la pression à ne pas se tromper dans son recrutement) exonère les franchiseurs de trop de formalisme. Mais jusqu’à quand ? 😉 ».

Conclusion

Pour conclure, j’aimerais rappeler que franchisage et introduction boursière se cross-fertilisent :

  • On peut tout à fait franchiser une société cotée, pour accélérer sa distribution par l’ajout d’un canal complémentaire ;
  • Mais on peut également faire coter une enseigne. En France, on peut citer Ô Sorbet d’Amour et l’Automobilière, ou d’autres dans le passé : Alain Afflelou, Meilleurtaux.com, Acadomia, AB Fenêtres… Et aux USA, Devyani International, European Wax Center, F45 Training, Krispy Kreme, Odd Burger, Olo Inc, Xponential Fitness ont sauté le pas. Précisons enfin que les grands groupes succursalistes tricolores s’y sont mis il y a plus longtemps, comme l’hôtelier Accor ou des acteurs de la grande distribution.

Nous espérons que ces propos vous donneront envie de vous franchiser, voire de vous introduire en bourse ! Et en attendant, n’hésitez pas à venir apporter votre contribution à notre réflexion 😊

Si vous souhaitez en échanger avec des professionnels, soumettez-nous votre projet et nous saurons vous aiguiller !

  • Que vous doutiez ou partagiez mon point de vue, n’hésitez pas à entamer la discussion en commentaires, ou sur la page LinkedIn Axe Réseaux.
  • Enfin, retrouvez sur notre chaîne Youtube notre mini-série sur les fonctions clés des réseaux de franchise.